Sao Jorge, fromage, air pur et camping

LOL n°50

Bonjour à tous,

C’est à l’heure où nous quittons Sao Jorge, que nous écrivons ces lignes. Et de fait, le temps nous a manqué pour nous consacrer plus tôt à notre traditionnel exercice épistolaire, tant notre séjour dans cette ile fut un régal, si bien que chaque minute passée en ces lieux enchanteurs fut dédiée à en profiter.

Le mont Pico sur Isla Pico vue des hauteurs de Sao Jorge

Qu’on se le dise, Sao Jorge est une merveille. Nous avions déjà été conquis par Faial, nous le sommes encore plus par Sao Jorge. Plus authentique, plus sauvage, plus désert. Des paysages d’une beauté envoutante, des randonnées tonifiantes, des bains de mer délicieux, des temps calmes bienfaisants…

Sao Jorge, comme le dit notre guide Imray, ressemble à un grand couteau, ciselé dans toute sa longueur de volcans aux formes pures, affuté sur ses bords par de hautes falaises rocheuses entrecoupées elles-mêmes de havres naturels aux pentes douces (les fameuses « fajas »), modelés au fil du temps par la magie de l’érosion, au grand bonheur des hommes et des bêtes qui s’y installèrent. L’île est le royaume de nos amis bovins (frères taureaux et sœurs vaches, cf la dernière LOL !). Ils broutent, indifférents aux paysages sublimes plongeant dans la mer, l’herbe grasse des pâturages, naturellement clôturés par d’épaisses haies d’hortensias parsemées ici et là d’éclatantes roses trémières. Je vous le dis, je vous le répète, nous sommes sous le charme et j’en ai des trémolos dans ma prose !

Comme à Faial, on trouve des hortensias partout

Depuis notre arrivée aux Acores, nous sommes en mode « vacances ». Finies les sessions scolaires le matin, oubliés les exercices de mathématiques et les dictés de français, place aux temps de loisir pur et simple. Pour les enfants, comme pour les parents, cela change bien la donne. Comme si nous devions profiter à plein des dernières semaines de ce voyage (déjà) inoubliable. Comme si nous voulions faire le plein de toutes ces merveilles naturelles offertes à nos sens éblouis.

Le camping et les croa croa des puffins noctambules

Pendant deux jours, nous avons délaissé le confort douillet de notre Lolita pour le plaisir plus spartiate du camping. Cela faisait plus de neuf mois, et notre séjour aux Canaries, que nous n’avions pas ressorti nos tentes, matelats gonflables, duvets et réchauds de leur coffre, exception faite aux Bermudes, non pas pour les utiliser, mais pour les rincer de l’humidité saline aussi destructrice que l’acide. Nous voici donc partis pour deux jours, à la grande joie des enfants, qui nous réclamaient cette escapade depuis plusieurs semaines. Nous entassons le matériel dans une voiture de location, et partons en exploration. C’est à Calheta, le deuxième bourg de l’île, que nous comptons planter nos tentes, dans un petit camping pittoresque offrant une vue admirable sur la mer et l’île de Pico. Le camping est pourtant désert. Seul y travaille nonchalamment un maçon sec et noueux, cigarette au bec, repavant à la main, une allée du site. Assis sur un petit tabouret, à l’ombre des oliviers, il nous invite à nous y installer, en nous montrant tous les emplacements vides… Nous ne verrons personne durant les deux jours de notre séjour, sauf les nouveaux gérants du camping déjà éprouvés par la crise du Covid. La mairie tarde à leur remettre les clés et livrer les travaux avant leur installation qui a pris des mois de retard. Les sanitaires publics juste à côté, nous ont permis de rester propre. Il faut signaler l’extrême propreté des lieux d’aisance ici qui équipent tous les sites de baignades des îles, souvent des piscines naturelles délimitées parfois par une retenue d’eau. Point de plages de sables blanc ici, ce qui explique surement l’absence du tourisme de masse.

Piscines naturelles au pied du camping de Calheta
Coucher de Soleil vue de notre camping

Les nuits n’y seront malheureusement pas aussi calmes. Vers 22 heures, alors que nous commençons tout juste à sombrer dans les bras de Morphées, des cris épouvantables se font entendre. Ils fusent au-dessus de nos têtes. Les enfants, un peu inquiets, font vite le rapprochement : il s’agit des mêmes oiseaux que nous avons entendu sur Lolita les précédentes nuits. Mais sous nos tentes, les fines parois de toile ne permettent pas d’assourdir le vacarme. Celui-ci devient vite infernal. Bientôt nous sommes tous debout, papa, maman et les trois enfants, hurlant et criant pour faire fuir les noctambules volants… Finalement après une bonne heure de cris échangés, ceux rauques et hideux des oiseaux et, ceux, menaçants et hargneux, de vos serviteurs, le calme revient… Au dodo. Mais quatre heures plus tard, à 6 heures du matin, le même cirque reprend à l’identique…  Nous rendons les armes… Le réveil sera un peu rude, mais qu’importe, nous avons le temps et c’est le seul luxe que nous apprécions. Ces fameux oiseaux, de la famille des puffins cendrés, cousins des albatros, mesurant parfois jusqu’à 2m d’envergures sont connus pour hurler la nuit entre mars et octobre. Un cri à mi-chemin entre le canard qu’on égorge et l’humain qui s’indigne. Et c’est drôle comme les humains justement ne leur sont pas rancuniers : ils font l’objet d’une campagne de protection S.O.S Cagarros (leur nom Açoréen) car l’espèce est en voie de disparition…La nuit d’après, les Cagarros nous épargneront. De bien braves bêtes en somme.

les enfants jouent aux fauves dans la savane

A la découverte d’une île désertée

L’ile est déserte. Il fait dire qu’avec la crise du Covid 19, l’ile et plus généralement tout l’archipel sont désertés par les touristes. Les restaurants et bars sont fermés, les fromageries artisanales, les musées ont portes closes. Le port de Sao Jorge qui, à cette période de l’année aurait normalement dû compter le passer de 330 bateaux n’en a enregistré que 40. Dans une des piscines naturelles, nous engageons la conversation avec une dame charmante qui parle un français impeccable. Elle nous confirme que la saison touristique est catastrophique, que toutes les réservations, pourtant pléthoriques à la fin de l’hiver, ont été annulées à la suite de la crise sanitaire. L’agence de tourisme pour laquelle elle travaille l’a mise au chômage technique. Et c’est une catastrophe pour l’ile et ses habitants, lesquels, c’est visible partout, ont massivement investi ces dernières années pour accueillir les touristes…

Photos de famille au sommet culminant de Sao Jorge : Le Pico de Esperancas, 1053m

Par la force des circonstances, nous profitons de manière privilégiée, seuls au monde, des multiples sentiers de randonnées, des charmants villages aux façades blanchies à la chaux, des piscines naturelles désertées au creux des falaises. Un jour, nous partons en randonnée dont le but est une cascade dans les falaises. C’est d’après le guide touristique la randonnée la plus courue de l’ile. Effectivement elle nous entraîne à flanc de coteaux le long de falaises et de fajas, dans un spectacle superbe. Sur le chemin, personne, pas un chat. Sauf un touriste allemand qui vient pour surfer (la faja de Santo Christo est un spot de surf réputé) et un groupe de campeurs portugais visiblement encore bien éméchés de leur cuite de la veille !

Pour notre petite troupe, c’est l’occasion de faire un état des lieux de notre forme physique et de notre endurance à l’effort. Il faut vous l’avouer : nous tirons un peu la langue, et nos jambes ont du mal à nous porter. Pas étonnant après les quatre mois d’inactivité pédestre forcée. Mais à force d’histoires, de négociations et parfois de menaces (surtout avec Juliette qui traine la pâte), nous atteignons la fameuse cascade. Cela nous rappelle l’île de la Dominique, la fameuse ile aux cascades, en moins impressionnant néanmoins. Nous plongeons tous les cinq dans les eaux froides et pures du torrent. Quelle bonne récompense ! Sur le chemin du retour, Caroline et moi racontons à tour de rôle des histoires de nos enfances respectives, dont les enfants raffolent : Le destin funeste de Germain, mon canard et celui de Germaine, celui de mon frère Ghislain ; la non moins tragique mésaventure qui frappa Normandie et Bourgogne, nos tortues, ébouillantées sur un radiateur surchauffé… Pour achever les derniers kilomètres (les plus durs pour les enfants), je raconte une nouvelle histoire de Margot et Rouspette, les deux héros mi crabe mi lapin, dont je me suis fait une spécialité et qui ne laissent pas de ravir Jean et Juliette. Victoire, la voiture est en vue ! Le test est passé avec succès

En route vers la Cascade
Faja Do Cubres
Faja Da Caldeira do Santo Cristo, on voit l’onde qui se forme à gauche du lagon

Plus de peur que de mal !

Un autre jour, nous partons en exploration avec nos amis du bateau Manua. Alors que nous arrivons sur la faja des ouviros, nous faisons une petite pause pour admirer la vue depuis un promontoire. Juliette dort à l’intérieur de la voiture, garée dans une légère côte. Je m’endors sur un muret. Caro admire le paysage. Jean, pieds nus, veut récupérer ses chaussures pour aller voir une cascade en contrebas avec les amis. A un moment, j’entends le cri de Caro et un gros « bang ». Je me lève en sursaut et accoure. Jean, en montant dans la voiture, a desserré accidentellement le frein à main, faisant partir la voiture en marche arrière. Celle-ci prenant rapidement de la vitesse, a heurté un muret en contrebas de plein fouet. Juliette, qui a fait un bond dans la voiture, s’en tire heureusement sans une égratignure. En revanche, la voiture est salement amochée…et si l’on espère que nos assurances pourront prendre en charge la franchise de l’agence, en attendant nous avons dû sortir une somme rondelette…que nous n’avons pas à vrai dire.

Nous avons quand même eu de la chance avec les enfants car vu la configuration des lieux il y aurait pu avoir une autre histoire moins drôle à raconter. Pour l’anecdote, il y a quelques jours lors d’une balade à Faial nous avions livrés aux enfants toutes les histoires invraisemblables qui se sont déroulés en voiture dans nos familles : de leur grand-mère qui a finit dans un fossé suite à l’ouverture intempestive d’une porte dans un virage ; au frein à main débloqué par un enfant dans la voiture en stationnement obligeant leur autre grand-mère à faire un sprint (alors enceinte de 8 mois) pour la récupérer au vol. Je vous passe toutes les autres, mais avouez qu’il y a eu une étrange prémonition.  

La pointe ouest de Sao Jorge
Jean en pleine Vigie Baleine à l’emplacement de l’authentique Cabane de la Vigie
Piscines naturelles de la Faja de Ouvidor

Retour au bercail.

Nous profitons des deux dernières journées à Velas (prononcez « Vélache ») pour faire un peu d’administratif. Caro monte les deux derniers épisodes vidéo de la transat (toutes les vidéos sont désormais disponibles sur une page spécifique du blog), et de prendre les premiers rendez-vous en vue de la vente de notre chère Lolita… On en profite également pour passer une agréable soirée avec Claire et Rémi du bateau Kerblaisy. C’est un jeune couple bien sympathique, habitant comme nous à Lorient. Si Caro et elle se connaissaient par leur travail respectif (Claire est chargée de mission dans la classe des voiliers IMOCA, Caroline, responsable logistique et administrative au sein du Team Initiatives Cœur), nous n’avions pas eu l’occasion de nous rencontrer auparavant. Comme souvent, on se raconte nos souvenirs de confinement, nos anecdotes de voyage, nos belles rencontres, nos projets pour la suite.

La soirée est à l’image de l’ambiance qui règne sur le bateau : assez énergique, parfois fatigante et toujours heureuse ! Les enfants, qui ne loupent pas une occasion pour intervenir dans les discussions et se servir au passage de biscuits apéro, renversent par mégarde un verre, puis deux, puis trois. Grand chelem : les citrons du Ti punch volent sur le caillebotis du cockpit, le rosé sur les jambes de Claire, et les biscuits dans le cockpit… Claire et Rémi éclatent de rire, je soupire de dépit mi résigné, mi amusé. Caroline se lève pour réparer les dégâts. Les enfants se font pardonner en offrant dessins et collages de leur composition… L’ambiance est joyeuse et gaie. Vivons dans la joie !

Velas, la ville principale qui abrite de le port de plaisance
L’Eglise de Velas, au blanc immaculé comme la plupart des constructions de l’ïle

La partie de foot

Le lendemain, après une courte nuit, j’emmène les enfants jouer au foot dans un endroit repéré non loin. Jean a revêtu sa tenue de sport, chaussette remontée jusqu’au genou. « Je suis habillé comme l’époque ! » exulte-t-il tout content (preuve qu’il a assimilé une leçon sur passé/présent/avenir) ! Nous emmenons avec nous les enfants d’une famille allemande que nous avions croisée aux Canaries au début de notre voyage et retrouvée ici aux Acores. Un jeune adulte, visiblement atteint d’un handicap mental, me demande de jouer avec nous. Je lui fais signe de venir nous rejoindre. Un grand sourire illumine son visage. Et la partie s’engage, les enfants criant en français et en allemand, l’ami portugais en onomatopées merveilleuses et moi tentant de m’adresser à tout le monde. C’est un spectacle assez désopilant que nous devons offrir aux yeux des passants amusés. En tout cas, nous passons un bon moment !

La partie de foot se termine par un joyeux bain de mer à la piscine naturelle. Les enfants sautent à cœur joie dans les eaux transparentes depuis des promontoires de 3 à 5 mètres, en hurlant des cris de ralliement stridents « Geronimo !!!! ». Ils n’ont plus peur de rien, ils ont tellement grandi depuis le début du voyage.

Il est temps de remettre les voiles. Au vu de la météo, nous changeons de destination au dernier moment, préférant mettre le cap sur l’ile de Santa Maria, au sud-est de l’archipel, plutôt que Terceira au nord-est. Nous y reviendrons plus tard lorsque la météo sera plus favorable. Le bateau est prêt, les dernières courses effectuées. Nous larguons les amarres.

Adieu Sao Jorge, que nous avons pris plaisir à parcourir tes sentiers fleuris, admirer tes paysages mi terre mi mer et humer ton ambiance douce et simple. Nous reviendrons c’est sûr !

A bientôt !

2 réflexions sur “Sao Jorge, fromage, air pur et camping

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