Aux Bermudes, petite escale, longue attente

LOL n°47

Bonjour à tous,

Pour ne rien vous cacher et pour la première fois du voyage, nous commençons à trouver le temps long. Bientôt deux semaines maintenant que nous sommes arrivés sur ce petit bout de terre britannique, suite à la casse de notre bas hauban bâbord. On ne va pas cracher dans la soupe, nous étions bien contents alors de trouver ce refuge à proximité de notre route, afin de nous permettre de réparer… Mais 13 jours au mouillage avec interdiction stricte de débarquer à terre, c’est, il faut l’avouer, bien long…

Et pourtant les couchers de soleil offrent de jolis spectacles sur St George’s

Et quand il est question de devoir attendre plusieurs jours de plus, à cause d’une météo défavorable (pétole complète sur l’Atlantique nord), l’escale devient franchement rébarbative. Chutt, ne dites rien aux enfants. Pour eux la vie est aussi douce et agréable que la veille. Un peu d’école le matin, un déjeuner, de la lecture, une voire deux ou trois séance de paddle « mégalodon », de la cuisine (beaucoup de pâtisserie, des crêpes, des cookies, des tartes au citron), des jeux, des légos, parfois un petit film, ou un apéritif… que demande le peuple ?? « Ooooh, ils ne peuvent pas descendre à terre ces petits chérubins au miel, quelle tristesse ! ». Si vous saviez comme ils s’en moquent, ils vous riraient au nez, en sautant sur leur paddle avec leurs cris à réveiller tout le mouillage. En fait, ne pas aller à terre, c’est le cadet de nos soucis. Tant qu’ils s’amusent !

Rituel du soir, la bataille navale en paddle

Enfin bref, à part nous les parents qui rongeons notre frein, la vie est toujours aussi belle. Tiens d’ailleurs, deux jours se sont écoulés depuis que j’ai écris ces premières lignes et en deux jours, notre état d’esprit a complètement changé ! Hier matin, nous avons décidé d’aller nous « mettre au vert » pour le week-end, autrement dit nous avons changé de mouillage pour voir « du pays » et ô miracle, nous avons même réussi à débarquer, à l’abri des regards, sur une ile inhabitée disposant en prime d’une petite plage. Certes ce bout de terre ne restera pas dans les annales des lieux que nous aurons visités mais enfin, pour le seul fait que nous y ayons posé pieds à terre (pour la première fois depuis trois semaines), cela restera certainement dans nos mémoires. Et nous pourrons ainsi vous livrer d’autres photos et d’autres points de vue des Bermudes.

L’escale aux Bermudes restera donc un florilège de pleins de petites choses qui font notre vie depuis neuf mois déjà. On pourrait en faire un ABCdaire, mais je vous épargne la chose, ce sera pour plus tard !  l’escale aux rafales !

« Rafales de vent » d’abord. C’était dimanche dernier, lorsque nous avons subi, pendant toute une journée, le passage de vivifiants coups de vent, dont un, le matin, à près de 40 nœuds, et surtout des trombes d’eau à ne pas mettre un anglais dehors (d’ailleurs il n’y avait pas grand monde sur le plan d’eau)…

Rafale de légo, le jeu favori des enfants sur Lolilta, et je peux vous dire que nous les parents, on le bénit, ce dieu « légo » car c’est grâce à lui souvent que nous avons le calme sur le bateau, surtout lors de la sacro sainte « pause-parents » du café.

« Rafale » en légo tout court, avec Pierre-Louis qui s’est pris de passion pour cet avion de chasse. Depuis deux semaines que nous sommes là, nous voyons sa construction évoluer de jour en jour avec force bombes, multiples variantes d’ailes et de réacteurs. Attention, il ne s’agit pas de la vulgaire version B1 actuellement produite, non, lui il construit la version B2, beaucoup plus sophistiquée et personnalisée. C’est bien simple c’est « Le » légo de sa jeune vie, sa fierté, son obsession ! Pierre-Louis les décline également en version dessinée, superbe de réalisme et de précision ! Et c’est décidé, plus tard, il sera ingénieur dans l’aéronautique chez Dassault… Pour l’instant, on n’est pas contrariant, on prend note… En tout cas, en ce qui me concerne, pas d’hésitation : le « rafale » en légo de mon fils, je le préfère au vrai !

Rafales de films. Et oui, on en est tous conscients : à notre époque, les enfants ne se nourrissent plus seulement de livres de la comtesse de Ségur !  Les films et les vidéos sont les bienvenus, surtout quand on est confiné sur 12 m² par temps de pluie !  Alors nous avons puisé dans notre vidéothéque (merci tonton Ludovic) les précieux passe-temps : les classiques d’abord : « la Folie des grandeurs » et « la Grande Vadrouille », qui ont faire rire aux éclats les enfants (« il est l’or monseignor »). Et puis quelques trésors oubliés mais qui nous ont rappelé (à nous parents) la saveur de notre enfance : « La gloire de mon père » et « Le château de ma mère » ! Ces deux films, beaux comme les paysages de Provence, et savoureux comme des Bugnes de Noel, relatent les souvenirs de jeunesse de Marcel Pagnol : ses vacances dans l’arrière-pays marseillais, à Aubagne, au début du siècle. On n’avait pas anticipé la tristesse aussi de la fin du film, dans laquelle Marcel raconte ce que sont devenus les héros de son enfance : la mort précoce de sa mère adorée Augustine, la disparition elle aussi précoce de son frère Paul, et surtout la mort de son ami des collines Lili des Bellons, tué à la guerre de 14… J’ai cru que les enfants (Jean et Juliette) n’allaient pas s’en remettre, après la vision du pauvre Lili, en tenue de soldat étendu au sol une balle dans la tête, les yeux ouverts. Le lendemain, on lisait le « dormeur du val » d’Arthur Rimbaud, et on parlait de la grande guerre. Bref, de Marcel Pagnol à l’Histoire, voici comment se fait une escale de confinement avec nos enfants. On prend le temps.

Dimanche soir pluvieux, oeuf à la coque et Marcel Pagnol en famille

Rafales de livres, et l’un en particulier pour moi : « Sacrée croissance » de la journaliste Marie-Monique Robin (Merci Roland et Elisabeth !). Attention, grosse claque pour les tenants du système économique, financier et politique actuel, et de son « sacro-saint » modèle de croissance effrénée, énergivore, et mortifère. Ça déménage. Ses propositions pour en sortir (formulées d’après les témoignages d’un grand nombre d’experts, économistes, chercheurs, environnementalistes), sont bien inspirantes et elles commencent par nous… Ouvrons nos ornières ! Vive la sobriété, la solidarité et la simplicité, nous avons tous à y gagner ! Quand je pense aux ravages du plastique en République Dominicaine, aux dégâts considérables laissés par les cyclones en Dominique, aux paysages somptueux de iles Canaries ou du Cap Vert, ravagés par le tourisme de masse et le roi « parpaing »… aie aie aie

La fête des mères !

Rafales de rencontres. Les Bermudes sont une escale de passage. Les plaisanciers au long court comme nous s’y arrêtent pour ravitailler, réparer, s’y reposer ou encore attendre une météo plus favorable. Du coup, ces derniers jours, dans notre petit mouillage de Saint Georges, nous avons rencontré ou vu passer un grand nombre de bateaux, et on peut dire que la variété ne manque pas ! on pourrait même dire que l’éco-système ressemble tout à fait à celui de notre société ! Il y a les « supers riches », et parmi eux, des yachts énormes aussi indécents qu’insensés tant on est dans le royaume du bling bling primaire et l’étalage obscène de fric! Le dernier en date : Quantum of Solace (déjà rien que le nom nous indique l’égo de son propriétaire….). Construit en 2012, 40000 litres de réserve de gazoil, sans doute plus de 100 Litres de fuel par jour (un bien tout à fait « durable » donc… snif), à vendre 62 millions de dollars, une pacotille quoi. Et le drame, c’est que dans quelques années, il sera complètement obsolète, avec ses antennes qui font trois fois la taille de notre bateau… Enfin bref… Sachant qu’on est toujours le riche (ou le pauvre) de quelqu’un, nous n’irons pas plus loin dans la critique. Alors ,vous me direz, peut-on concevoir un luxe durable ? Bonne question, vous avez trois heures ! Dans tout cela, nous avons bien failli perdre Jean et Juliette, partis en expédition sur le voilier de copains, qui pris par une brusque montée du vent se sont retrouvés bord à bord avec ledit Motor Yacht en hurlant de panique, distrayant au passage l’équipage plutôt amical. Heureusement, Maman est arrivée sur son annexe à rame pour récupérer les imprudents.

Ensuite il y a les « riches ou les moyens riches » (je parle des bateaux !). Pas aussi ostentatoires que les premiers, plus raffinés souvent, plus passionnés sans doute… Du goût et de l’argent, cela donne parfois de jolis voiliers : soit des bêtes de courses, soit des vieux plans classiques parfois remis au goût du jour. Parmi les « jolies bêtes » il y a Brieuc, et son TS5, Addictive Sailing, un catamaran de course croisière dernière génération. Brieuc, qui a couru la Mini-transat 2003 avec Caro, est un passionné. Entrepreneur, il a tout plaqué il y a deux ans pour acheter son beau voilier et faire du charter sportif (courses océaniques, croisière voile – kite surf)… Malgré ses pépins techniques (problèmes de gréement), il reste d’une étonnante bonne humeur et d’un inoxydable patience. Avec ses trois équipières, ils rentrent en France après une saison aux Antilles chaotique (Covid 19, démâtage…). Il doit rejoindre la Méditerranée en aout, mais doit d’abord passer par la case chantier, sans oublier sa vie de famille…  

Ensuite il y a la catégorie des gens comme nous, on va dire plus « simples ». Couples de retraités en grand voyage, jeunes en break professionnel ou en mode « voyage de leur vie », familles en année sabbatique comme nous ou en grand voyage. Voilier de 35 à 50 pieds. Parmi eux, Jérôme et Quentin, deux copains d’une trentaine d’année. Jérôme est littéralement passionné de requins. Il a monté toute une expédition pour aller les observer de ses yeux, au Costa Rica, Colombie, Bahamas. Plongeur et apnéiste, et doué d’un vrai talent de réalisateur, il en a tiré quelques images exceptionnelles. Lui et son copain Quentin sont sympas, « frais », heureux ! Toujours dispo pour filer un coup de main, ils ont été d’une aide précieuse pour Brieuc, afin de régler ses problèmes de gréement. Du coup, ils ont passé plus de temps sur le beau catamaran que sur leur propre bateau durant l’escale… (il faut dire aussi que la présence de 3 jeunes et belles célibataires, ça ne laisse jamais insensible… On pourrait même dire que c’est un argument qui pèse lourd !). Bref, une belle rencontre. Juliette comme à son habitude, les a inondés de dessins, avec moultes cœurs et déclarations d’amour ! Comme nous, ils comptent mettre les voiles dès que le vent sera revenu, lundi ou mardi de la semaine prochaine.

Jérôme, l’homme qui parle aux requins, est également un très honnête magicien qui a fasciné les enfants (mais pas aussi bon que Serge)

Et puis dans cette petite classification simpliste, nous trouvons les routards des mers. On en a vu quelques beaux spécimens ici et le contraste est d’autant plus saisissant lorsqu’à quelques dizaines de mètres d’eux mouillent une goélette de 100 mètres de long, briquée et sur-briquée par un équipage pléthorique, vernis rutilants, cuivre nickel, coque luisante…  Ces routards de la mer naviguent sur des sortes de trapanelles dont on se demande comment elles vont ne pas sombrer corps et bien au cours de la traversée. C’est le cas d’un de notre voisin, un italien qui a l’air complètement azimuté, en solitaire sur une espèce de char d’assaut en acier, à la coque rouillée, et aux voiles en lambeau. Autre style, deux français, Régis et Sébastien, , sur un illustre Wahram en bois moulé… Ces bateaux des années 60 / 70, construction-amateur, était très prisés à l’époque mais il faut bien avouer, ils commencent à dater… et je ne serai pas à l’aise de me retrouver en pleine tempête océanique à bord d’une telle embarcation. Mais Régis a confiance, il est en pèlerinage, il ramène Notre-Dame de Rocamadour (sa réplique, plus précisément) aux Sables d’Olonne où elle lui a été confiée à l’issue de la précédente édition du Vendée Globe pour naviguer autour du monde. La vierge a été instituée en 2016 vierge du Vendée Globe, une histoire qu’il a commencé à raconter dans un blog, « j’irai prier chez vous » mais qui a fait long feu pour des raisons qui nous ont échappé.

Parmi les autres rencontres marquantes, Daniel et Cécile sur leur bateau Basta. Des routards des mers eux aussi, mais la culture en plus ! Etonnant destin que le leur ! Journaliste de profession (elle presse écrite et radio, lui photographe), ils ont réussi à allier leur métier à leur passion de la mer, en se rendant à la voile, sur les lieux de leurs reportages. Ils s’apprêtent désormais à tourner la page de leur vie nautique, car à partir de juillet ils s’installent à Porcaro, dans le Morbihan pour se lancer dans le maraichage bio ! Bref, étonnant destin. Pas de doute en tout cas, ils nous sont beaucoup plus sympathiques que les gogos aux énormes yachts ! Citons encore Pat et Pat, un couple de voyageurs au long cours depuis des dizaines d’année qui a élu domicile à la Graciosa, l’île des Canaries que nous avions tellement aimée. Ils rentrent là-bas après un détour par les Açores. Tout ce petit monde éprouve bien du plaisir à discuter et partager leurs histoires de vie. Il faut dire qu’on peut se sentir un peu esseulé sur son bateau, cloué au mouillage.

Notre Dame de Rocamadour, Sainte Patronne du Vendée Globe

Voila, chers amis, ce qui a fait notre escale aux Bermudes. Je n’ai pas évoqué le bricolage, la réparation des bas haubans, mais ça y est, elle est faite. Le voilier local qui avait commandé notre gréement a été impeccable sur les délais. L’organisation anglaise ne faillit pas à sa réputation, même si nous avons moyennement goûté les rondes des cost-guards en tenus camouflées sur des semi-rigides ultra motorisés ; chaque après-midi autour des 17h30 comme un rituel ; pour vérifier que personne ne prenait le thé sur le voilier d’un autre équipage (25000€ d’amende et 6 mois de prison) ; ils avaient fini par trouver rigolo notre rituel à nous : le sport aquatique sur paddle avec l’irruption du Mégalodon (Papa) – requin préhistorique de 15m au bas mot- pour faire hurler de joie les enfants.  Nous attendons désormais la bonne fenêtre météo pour remettre les voiles. Lundi ou mardi !

le gréement est réparé !
piscine naturelle remplie de poissons perroquets
Chenal d’accès à Saint George’s
Mouillage volé dans la baie, entre deux patrouilles de costguards, on s’échappe
c’en est une que les anglais n’auront pas, chuuuut
Prêts à repartir pour un tour !

A bientôt

9 réflexions sur “Aux Bermudes, petite escale, longue attente

  1. Après cette lecture, une forte envie de naviguer, d’être à bord, de s’émerveiller et d’observer….
    Vous me faite vibrer de mon lointain petit département du Lot ou votre bleu est remplacé par notre vert.
    Mais à travers votre récit , nous y sommes…
    Nous vous suivons depuis le début et c’est un régal de vous suivre.
    Alors continuez comme ça et bon vent Lolita family
    Isabelle

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  2. Merci pour ce récit! C’est toujours aussi bon de vous lire! J’adore!!!
    Bravo à Pierre-Louis! Son Rafale est magnifique!
    Juliette est toute mignonne les cheveux courts !
    On vous souhaite une bonne mer, un bon vent !
    Plein de bises à vous 5 !

    J’aime

  3. Colette Bernard

    Quel voyage, encore, même quand le vent ne souffle pas ! Merci pour l’émerveillement que vous offrez aux sédentaires que nous sommes. Que la Vierge noire de Rocamadour vous protège ! Je vous embrasse fort xxx Colette

    Envoyé de mon iPhone

    >

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  4. EMMANUELLE BERTHE

    Encore un beau récit …
    Merci !
    Bravo à toi Pierre-Louis pour la construction de ton lego !!!
    J’espère que vous reprendrez bientôt la route vers les Açores !
    Bisous à toute la famille et à bientôt

    Manue

    Aimé par 1 personne

  5. vollot

    Nous suivons avec un intérêt soutenu cette (ol)aventure, découvrant un nouveau monde. Merci pour ce partage. Nos félicitations émerveillées à tous les cinq! Bonne transat retour! Nous vous embrassons affectueusement.
    Noëlle et Jean-Louis

    Aimé par 1 personne

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