LOL n°46
Bonjour à tous,
Bref, nous sommes aux Bermudes…ce petit archipel aussi grand que l’agglomération lorientaise est un département d’Outre-Mer anglais idéalement situé sur la route des Açores quand on vient des USA ou des Bahamas. Eau turquoise, lagon infini, climat tempéré, authentiques businessmen en Bermudas avec chaussettes assorties, tous ces « spécificités » avaient même décidé le microcosme de la Coupe de l’América à y organiser une édition en 2017. Une belle équipe française (dont nos amis Thomas et Camille Gaveriaux) avait participé à l’événement, toute étonnée de se retrouver pendant plusieurs mois sur ce caillou au bout de l’Atlantique.


Malgré cela, nous n’avions pas prévu de nous y arrêter pour plusieurs raisons : la fenêtre de tir pour aller aux Açores était bonne, nous nous sentions « lancés », et sachant les dispositions drastiques anti-covid en vigueur; n’avions pas l’intention de prolonger notre confinement sur le bateau. C’est raté ! Notre transat avait pourtant bien démarré, avec 5 journées de soleil et de vent moyen, avec une Lolita toute heureuse de se retrouver en mer. Le temps de s’habituer à vivre penché, l’équipage s’était très bien amariné. Pierre-Louis, Jean et Juliette ne boudaient pas leur plaisir d’être en mer, malgré le manque de réussite à la pêche au gros. Enfin, si l’on compte le nombre de sargasses ramassées, le score n’est pas si mal. Comme « d’habitude » si j’ose dire, l’une de nos lignes de pêche avait subi une décapitation dans l’éolienne. Le sixième jour fut un peu plus sportif mais Christian, notre routeur météo, nous avait bien préparés à cette journée de vent fort suite au passage d’un front. Pendant toute une journée, nous sommes restés bien au chaud dans le bateau, sous 2 ris et trinquette, encaissant des rafales à plus de 35 nœuds.
Au cours de cette journée particulière, nous avons reçu via le téléphone satellite une nouvelle qui nous a bouleversée : Gilles Le Dem, le maître d’école de Pierre-Louis, directeur de l’école de Keroman (depuis 25 ans !) éternel jeune homme ultra sportif, est décédé d’une crise cardiaque en enfourchant son vélo. Je correspondais encore avec Gilles quatre jours auparavant pour les inscriptions au collège. Il nous avait vraiment soutenus dans notre projet en facilitant toutes nos démarches. L’école ne compte que quatre classes en primaire, le choc est donc palpable et nos pensées vont à sa famille mais aussi à ses collègues enseignantes et à la toute petite assemblée de notre belle école.
Ce soir là, nous n’avons pas été seulement refroidis par la nouvelle, mais également par la température ambiante qui, pour la première fois depuis de longs mois, nous a fait ressortir polaires, chaussettes et… couettes. Et oui, le vent du Nord et le retour dans des hautes latitudes sont sans pitié.




Le lendemain matin, mardi, le vent a baissé, la mer est encore bien agitée. Nous naviguons vent de travers tranquillement, serrés les uns aux autres dans nos lectures dans la grande couchette du carré, transformée en lit king Size. Tandis qu’Hervé se repose dans notre cabine, j’entends un gros boum, signifiant immanquablement un gros pépin. C’est le cas: Le câble du gréement qui retient le mât vers l’arrière, vient de céder au niveau de la partie haute, une casse nette et sans appel. Après un rapide diagnostique de la situation, la conclusion s’impose : impossible de continuer la transat dans ces conditions, il reste près de 2000 milles à parcourir, ce ne serait pas raisonnable. Nous tirons donc la barre, direction les Bermudes à 60 milles de là. Nous sommes quand même un peu secoués car notre gréement n’aurait pas dû casser ; vérifié par un pro avant le départ et âgé de moins de cinq ans, il avait été déclaré bon pour le service. On se raccroche à l’idée d’un problème de conception, mais dans le doute, nous changerons le câble et son vis à vis.
A l’approche de l’archipel, c’est « Bermuda Radio » qui nous accueille, la voix de la Grande Bretagne, aussi flegmatique qu’humoristique, et nous arrache un bon sourire. Comme un berger pour son troupeau, il veille sur la flotte qui gravite autour des Bermudes, dont certains voiliers filent traverser l’Atlantique ou tandis que d’autres comme y trouvent refuge. Il nous suit de sa voix chantante jusqu’au mouillage, en sécurité. « Sailing Vessel LO-LI-TA, this is Bermuda radio, if I understand your request, etc… » Cette phrase, répétée invariablement à chaque échange par l’opérateur, avec à chaque fois le mot « LOLITA » épelé avec tant de drôlerie qu’on a l’impression d’assister à une représentation de théâtre, nous fait éclater de rire, Hervé et moi.
Si les enfants sont tout excités d’arriver dans un nouvel endroit, pour nous, les parents, c’est une autre musique. Passée la bonne rigolade causée par les facéties de l’opérateur radio, nous sommes un peu défrisés par les perspectives de réparation et de confinement… Enfin, cela fait partie de l’aventure et une aventure sans pépin, ce serait comme un pain sans sel… bien fade! En attendant, c’est une bonne grosse nuit de sommeil qui nous attend sous une couette accueillante, plus rien ne bouge, repos immédiat !

Le lendemain, mercredi, par un soleil radieux, et après une nuit bienfaisante et réparatrice (on devait quand même être un peu fatigué de notre semaine de mer), c’est l’heure des formalités. Intraitables sur la question du COVID, les autorités ne nous font pas de cadeau: Confinement strict! Interdiction de débarquer, de quitter le bateau, de se baigner, de… Ca s’annonce chouette cette escale involontaire aux Bermudes! Hervé a l’impression de revivre ce qu’il vivait quand il était petit, au cours de ses séjours à l’hôpital : « repos strict au lit! »….
Nous revoilà en position de pestiférés. Il y a une centaine de cas ici mais l’épidémie ne fléchit pas (sur 70000 habitants). Pour autant, le confinement a été levé pour les habitants. On ne peut s’empêcher de trouver cela discriminatoire. Après 14 jours de quarantaine aux Bermudes, les visiteurs semblent toutefois autorisés à obtenir quelques libertés. En attendant, même la baignade est prohibée. Mais les policiers qui patrouillent « ferment les yeux » (c’est le cas de le dire) quand ils voient les enfants s’amuser avec autant de joie que de cris sur le paddle. « The boat is « small » indeed » rigole l’agent, une bonne tête d’anglais, qui remet les gaz. Il doit sans doute avoir des enfants lui-même, se dit-on, Hervé et moi. A défaut de nous défouler à terre, nous pourrons au moins nous défouler dans l’eau!
L’administration anglaise est irréprochable, et l’accueil plutôt bien organisé, ce qui nous permet de récupérer rapidement une connexion internet, et l’adresse d’un gréeur pour tenter de trouver une solution rapide ici, même si nous avons déjà une solution possible de France. Une chose est sûre, vivement le grand large ! Enfin, il n’y a qu’Hervé et moi pour trouver la situation pénible. Les enfants, dans leur merveilleuse innocence et leur heureuse insouciance, s’accommodent magnifiquement de la situation!
Le bas hauban babord, coupable de notre escale!
A l’heure où nous écrivons ces lignes, le gréement est commandé en Floride, et devrait arriver en milieu de semaine prochaine. Nous n’avons plus qu’à prendre notre « mal » en patience. Nous avons commandé des courses de frais, et malgré nos précautions nous recevons une note finale exorbitante. 500 dollars pour quelques courses. Heu heu, ça fait mal. Qui veut mes tomates, 3 dollars la tomate, qui veut mes tomates? Qui veut un pot de confiture, pas cher: 7 dollars la confiture?? Oui, décidément en termes de prix, les Bermudes n’ont rien à envier aux Bahamas…
La seule note d’optimisme dans cette vie au-dessus de nos moyens serait d’accéder à un gasoil détaxé, pour cela nous organisons un regroupement entre voisins de mouillage, c’est l’occasion de renouer avec une vie sociale, bien agréable car les rencontres ne manquent pas de piment. Il y a là notamment MECTON, un voilier de jeunes plongeurs en voyage depuis 2 ans pour aller nager à la rencontre des gros requins à la réputation parfois sulfureuse (Tigre, Marteau, Bouledogue) et sensibiliser à leur noble cause avec le projet LORDS OF THE OCEANS. Et aussi ADDICTIVE SAILING, le TS5 de Brieuc Maisonneuve, un copain de la Mini Transat 2003 qui a changé de vie récemment pour se lancer dans une activité de charter sur ce catamaran de croisière très rapide. Des retrouvailles bien sympathiques, mais de courte durée, car Brieuc et son équipage repartent en mer dès ce soir.
Nous en tout cas, une chose est sûre, on est là pour encore une bonne semaine. Espérons que la météo soit favorable lorsque nous serons prêts à partir. En attendant le prochain épisode, nous vous disons à bientôt et vous envoyons nos plus bermudesques salutations!
« Sailing vessel LO-LI-TAAAA, this is Bermudaaaaaa ra-dio, please go ahead..


Nous pensons bien à vous. Gros bisous.
Dans la Joie de vous retrouver bientôt. Profitez de ces beaux moments en famille.
Ici, la vie est toujours aussi belle et douce.
Vivons dans la Joie
J’aimeAimé par 1 personne
Fichu hauban !
(Nous on pose un gréement neuf sur Heol mais on ne traversera pas).
Bonne traversée à vous.
À bientôt !
J’aimeJ’aime
Oh la petite Juliette avec les cheveux courts ! Elle s’est laissée convaincre…?
Pas drôle votre confinement mais merci pour votre solidarité !
bon courage
J’aimeAimé par 1 personne
Ah cette vie de confinement …
J’espère que vous pourrez continuer votre transat sans trop de difficultés …..
Je pense bien à vous !
Gros bisous Manue
J’aimeAimé par 1 personne
Coucou les Olagne,
Flûte alors, il fallait croire que vous deviez vous-aussi vivre le confinement comme nous, « sinon c’est trop injuste ». Bon, 1 semaine au port, vous vous en sortez pas trop mal pour un triangle des Bermudes ! Hate de vous revoir. Bises. Guillaume
J’aimeAimé par 1 personne